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C'est que du politique
29 juin 2017

T’es grosse

Certains parents angoissent des rondeurs de leur enfant. Au point de développer chez eux des troubles alimentaires. Témoignages de ces victimes du regard parental. "Tu n'as pas un peu grossi?", "Rentre un peu ton ventre", "Tu as pris des fesses, je te dis ça parce que je suis ta mère". Ces remarques, parfois anodines, beaucoup d'enfants les ont entendues de la bouche de leurs parents. Mère et père ont ici une inquiétude: que leur progéniture devienne grosse. "J'étais grosse mentalement, avant de l'être physiquement", raconte Gabrielle Deydier, auteure de On ne naît pas grosse. A 38 ans, la jeune femme a décidé d'écrire un livre pour dénoncer la grossophobie ambiante. Et elle y évoque ses parents. Enfant, ils répètent souvent à Gabrielle qu'elle est "potelée". "Tout a dégénéré lorsque j'ai eu 16 ans. Je ne faisais que du 42 mais un endocrinologue m'a mise au régime pour la première fois de ma vie. Je n'avais plus le droit à certains aliments. Les restrictions ont créé une obsession", se souvient-elle. Pour dîner, la mère de Gabrielle peut, elle, se contenter d'une boîte de sardine ou ne pas manger pendant plusieurs jours. "Sans que le mot ne soit posé, ma mère est anorexique. Pourtant, elle sait très bien nourrir les autres et mange par procuration, elle se nourrit en nourrissant les autres", analyse celle qui pèse désormais 150 kg pour 1,53m. De son côté, le père de Gabrielle a toujours pensé que sa femme était grosse "alors qu'elle n'a jamais dépassé un 38". "Plus jeune, je me demandais si un jour mon père me trouverait belle", lance-t-elle. Pour écrire son livre, elle retrouve des photographies à 8 ou 9 ans. L'époque où sa mère lui disait déjà qu'elle était grosse: "Aujourd'hui, je vois bien que je ne l'étais pas du tout. J'ai compris que j'étais juste victime du regard que mes parents portaient sur eux-mêmes." Alex, 24 ans, est aussi marquée à vie par certains commentaires. Légumes à chaque repas, féculents interdits, baguette partagée en cinq, sa famille a toujours été attachée à "une bonne hygiène alimentaire". A 15 ans, elle pèse 50 kilos pour 1,70 m. "Ma minceur était valorisée", lance l'étudiante. Puis, l'adolescence est arrivée, "un peu tardive". A 18 ans, la jeune fille grossit. Elle pèse 65 kilos, "un poids normal". Trop pour ses parents qui n'hésitent pas à la qualifier d'obèse. "Je savais que c'était faux, mais à leurs yeux, je l'étais", se souvient-elle. Haussements de sourcils quand elle se ressert à table, regards désapprobateurs et culpabilisants, la jeune femme raconte "un matraquage quotidien". A chaque remarque, l'excuse est la même: "C'est pour ton bien". La famille, cocon où elle devait se sentir en sécurité, devient alors source d'angoisse. Une angoisse qui va rejaillir dans son rapport à la nourriture. Alex ne bronche pas. Elle préfère se cacher pour manger, et fini par développer de l'hyperphagie, de la boulimie sans les vomissements: "Je goûtais un vrai repas vers 16 heures, comme ça, je dînais moins avec eux le soir. Je suis finalement réellement devenue obèse, ça a été comme une prophétie autoréalistrice." Effet de la prévention contre l'obésité ou transfert d'un rêve de minceur? "Les mères qui font des remarques à leur enfant ont souvent, elles-mêmes, des troubles alimentaires, mais cela peut aussi être le cas de celles qui n'en ont pas, explique Sophia Ducceschi, psychothérapeute, spécialiste des troubles du comportement chez l'adolescent. Dans ces cas-là, il y a quelque chose de très intrusif qui interroge le rapport mère-fille." Les parents minces sont aussi concernés. "Ils sont tellement préoccupés par leur propre silhouette qu'ils imaginent que leur enfant est gros, ils leur transmettent leur angoisse, leur peur et leur stress de grossir", abonde Daniel Rigaud qui reçoit des appels de mères paniquées, car leur enfant a pris un kilo. Le nutritionniste, se veut rassurant. Ces courbes adolescentes n'ont rien d'exceptionnel: "Entre 8 et 12 ans, les filles grossissent naturellement de 3 ou 4 kilos pour préparer la puberté."

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